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Comment nommer une nouvelle voiture ? Plongée dans les secrets du naming automobile

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Comment nommer une nouvelle voiture ? Plongée dans les secrets du naming automobile

Être parent pour la première fois est une aventure faite d’émotions fortes : nuits sans sommeil, pleurs imprévisibles… et surtout le choix d’un prénom, un acte qui marquera un être humain pour la vie. Une pression comparable existe dans l’industrie automobile : trouver le nom d’un nouveau modèle est une opération hautement stratégique. Un mauvais choix peut transformer un futur best-seller en un bide retentissant… ou pire encore, en sujet de moqueries nationales. Ford en a récemment fait l’amère expérience avec son nouveau Capri.

Quelle est la recette d’un bon nom de voiture ?

Pour Lee Waterhouse, fondateur de l’agence britannique WDA Automotive spécialisée en branding automobile, « le succès repose sur la création d’une connexion immédiate avec le public tout en assurant une différenciation claire ». En un instant, le futur acheteur doit se dire : « Ce véhicule est fait pour moi, il coche toutes mes attentes, aucun autre ne pourra le remplacer. »

Chez Renault, Arnaud Belloni, vice-président marketing global, supervise la stratégie de nommage. Il avoue qu’une époque pas si lointaine voyait certains modèles baptisés par… des ordinateurs. L’exemple du Kadjar est révélateur : « Ce nom n’a absolument aucune signification. Il a été généré par un algorithme, bien avant que l’IA ne devienne un sujet populaire », confie-t-il récemment à la presse britannique.

Aujourd’hui, Renault mise sur des noms porteurs de sens. Le tout nouveau Rafale illustre ce virage. Issu de l’histoire de Renault et de son rachat de Caudron dans les années 1930, le Rafale était un avion de course dont le nom évoque un coup de vent ou une bouffée de feu — des images fortes pour incarner le nouveau porte-étendard de la marque.

Alphanumérique ou symbolique ?

Face à des appellations évocatrices comme Rafale, les gammes alphanumériques (type Audi A3, A4, A5) peuvent sembler bien fades. Pourtant, leur logique est implacable : selon Waterhouse, « elles permettent d’ordonner une large gamme et incitent à monter en gamme ». A4, A6, A8 : plus le chiffre grimpe, plus l’image de prestige augmente.

Chez Renault, Belloni articule l’offre autour de trois « piliers » :

  • Les modèles historiques (Clio, Mégane) qui traversent les générations ;

  • Les nouveautés avec des noms inédits (Austral, Rafale) ;

  • Les Icons, modèles néo-rétro qui ressuscitent des légendes (4L, R5).

Le constructeur possède d’ailleurs plus de 1 000 noms historiques en réserve, soigneusement archivés. Un patrimoine précieux… mais qui pourrait embrouiller le client ? Belloni balaie la critique : « On ne peut pas lutter contre son histoire. Renault a 126 ans d’existence, avec des périodes de lettres, de chiffres et de vrais noms. »

Le retour en grâce des noms rétro : une bonne idée ?

La renaissance de la Renault 5 électrique démontre l’intérêt d’exhumer des icônes. Belloni lui-même admet : « On aurait dû faire revivre la R5 bien plus tôt. » L’atout d’un nom historique, rappelle Waterhouse, est de capitaliser immédiatement sur une image positive déjà ancrée dans la mémoire collective.

Attention toutefois aux faux pas. Le retour du Ford Capri, sous forme de SUV électrique coupé, a essuyé un torrent de critiques. De même, l’utilisation du nom Mustang pour le Mach-E divise : « Le Mustang incarne la muscle car V8 rebelle par excellence. En l’accolant à un SUV familial électrique, on dilue l’héritage », déplore Waterhouse.

Un champ de mines juridique

Nommer un modèle, c’est aussi affronter des défis légaux considérables. Renault, par exemple, risque de perdre ses droits sur certains noms s’il ne les utilise pas régulièrement. Et déposer un nouveau nom devient un casse-tête mondial : « En Amérique latine, le délai de protection est de 18 mois. Jusqu’à la dernière heure du dernier jour, un litige peut survenir », explique Belloni.

Face à cette complexité, certaines marques privilégient désormais la validation par le public : plutôt que d’enregistrer un nom dès sa création, elles le lancent directement, espérant qu’un succès commercial assurera leur protection juridique par l’usage.

Mais cette méthode comporte des risques, comme en témoigne l’Alfa Romeo Milano, rapidement rebaptisée Junior après un différend juridique avec les autorités italienne. Mais ce n’était pas tant sur le nom que le gouvernement italien se voulait intransigeant. C’était surtout contre le système Tavares à la gouvernance de Stellantis. Preuve ? Dans le même temps, Ford a sorti une Capri loin de l’Italie…

Demain : entre codes chiffrés et noms fabriqués ?

Dans un marché saturé et sous contrainte légale, l’avenir du naming automobile semble osciller entre deux tendances :

  • Le recours croissant aux appellations alphanumériques (A1, A2, etc.) pour leur clarté et leur neutralité juridique ;

  • La création de noms originaux, voire inventés, pour rester mémorables et propres à une marque.

« Trouver un nom compréhensible, marquant et juridiquement protégé est aujourd’hui un exploit », constate Waterhouse. Le naming automobile, longtemps vu comme un exercice créatif simple, s’impose désormais comme l’une des disciplines les plus stratégiques de l’industrie.

Author: Rédaction

Rédaction AUTOcult.fr