Ce texte a été publié en version anglaise sur @cH2ange après l’e-Rallye Monte-Carlo.
Passionné de sport automobile, Alexandre Stricher a travaillé pendant de nombreuses années dans le monde des rallyes en tant que communicant. Depuis 2015, c’est avec la casquette de pilote qu’il participe au e-rallye Monte-Carlo (ex-rallye des énergies alternatives). Cette épreuve, qui existe depuis près de 25 ans, met en compétition des voitures à zéro émission dans une course de régularité reliant Fontainebleau à Monaco. Après avoir pris le départ à bord d’une voiture électrique à batterie en 2015 et 2016, il a tenté l’expérience au volant d’une voiture électrique à hydrogène. Rencontre.
Qu’est-ce qui vous attire dans une épreuve comme le e-rallye Monte-Carlo ?
Je vis dans l’univers des rallyes depuis une quinzaine d’années. Mon métier m’a permis de parcourir le monde pour suivre le Championnat du Monde des Rallyes. Mais, et ça peut paraître assez surprenant lorsque l’on parle de rallye, je ne prenais jamais le volant. J’ai vécu quelques-unes des plus belles courses de l’histoire depuis les salles de presse et les parcs d’assistance. Je conserve aujourd’hui un œil intéressé sur la discipline, car j’écris un livre sur les cinquante épreuves qui ont marqué les rallyes. Je n’ai jamais eu la prétention d’être un pilote. J’aime les rallyes et j’aime conduire, mais je suis bien incapable de prendre les mêmes risques qu’un professionnel. Un e-rallye rassemble tout ce que j’aime. Ce n’est pas une course de vitesse, c’est une course de régularité. J’y retrouve les éléments essentiels d’un rallye : la précision de la conduite, le calcul du temps optimal, la recherche du meilleur parcours…
Comment avez-vous été amené à participer à cette épreuve ?
Je suis passionné par la discipline, mais aussi par l’avenir des mobilités. Cela fait environ dix ans que je m’intéresse à ce rallye en particulier et que j’avais envie d’y prendre part. J’ai eu l’opportunité de prendre le départ en 2015 et 2016 au volant d’une Renault ZOE. Cette année, j’ai eu la chance de piloter une Toyota Mirai. J’étais très heureux de relever ce défi au volant d’une voiture qui symbolise l’avenir.
Quelles différences avez-vous constatées entre votre expérience de conduite en Renault ZOE et en Toyota Mirai, une voiture dont le moteur est alimenté par une pile à combustible ?
La ZOE est une citadine. Pour une épreuve comme ce rallye, dont le tracé traverse la France, il est plus confortable de circuler dans une grande berline comme la Mirai. Mon copilote avait emporté beaucoup de bagages, et il a pu prendre toutes ses aises dans la voiture (rires).
Sur le plan de la motorisation, les voitures à hydrogène sont propulsées par un moteur électrique. L’expérience de conduite est donc similaire en tout point entre une voiture à pile à combustible et un véhicule à batteries. Ces motorisations sont très confortables : on prend tout le couple moteur dès qu’on appuie sur l’accélérateur, sans avoir besoin de changer de rapport. Contrairement à une boîte de vitesses mécanique, une voiture électrique ne connaît aucun à-coup ni rupture de couple. De mon point de vue, on ne fait pas mieux que la voiture à moteur électrique au niveau des sensations de conduite. Je parle ici de pure mobilité : pas de conduite sportive, où l’on recherche des sensations plus brutales.
Quelle est selon vous la principale différence entre les voitures électriques à batterie et à hydrogène ?
Le point fondamental, c’est le rechargement. Lorsque nous nous sommes préparés pour le rallye avec mon copilote, nous nous sommes arrêtés à la station hydrogène de l’aéroport d’Orly. Nous avons pu faire le plein en 3 minutes environ. C’est une véritable révolution pour une voiture à moteur électrique. C’est une vraie liberté qui change tout par rapport à une voiture à batterie : pas besoin de bloquer la voiture pendant plusieurs heures ! J’ai tenté l’expérience de brancher une Model S de Tesla sur la prise de 220 volts de mon domicile : il aurait fallu l’y laisser durant 30 heures avant d’obtenir une charge complète !
Sur le tracé du rallye, cet inconvénient était frappant. Étant donné l’autonomie des voitures à batterie, elles devaient s’arrêter pour se recharger une ou deux fois au cours de chaque étape. Or, 40 voitures électriques à batterie empruntent le même trajet. Le premier à partir se branche sur la station située au meilleur endroit, le deuxième prend la seconde prise s’il y en a une… mais les autres sont contraints de trouver une autre station. À partir de la vingtième voiture, tous les emplacements sont occupés. Il faut attendre qu’un concurrent ait terminé sa charge pour pouvoir se brancher, ce qui peut prendre plusieurs heures. Un vrai casse-tête !
Concrètement, comment recharge-t-on une voiture à hydrogène ?
Comme lorsque l’on fait un plein d’essence : on insère sa carte bancaire, on tire le pistolet de la machine et on l’introduit dans la trappe. On entend un « clac » lorsque le système est verrouillé, et la recharge débute. La seule différence avec un véhicule à moteur thermique, c’est qu’il n’est pas nécessaire d’appuyer continuellement sur la gâchette. Du coup, on se retrouve avec les mains libres. L’hiver, ça permet de ne pas se geler les doigts ! L’espace est aussi beaucoup plus propre. Combien de fois avez-vous fait le plein en gardant un œil sur le sol pour ne pas marcher dans une flaque de gazole ? Trois à quatre minutes plus tard, la voiture est prête à repartir.
Quelle est l’autonomie du véhicule ?
C’était l’une de nos principales interrogations dans le cadre du rallye. Ni mon copilote ni moi ne connaissions la Mirai, et nous ne savions pas jusqu’où nous pourrions aller avec une seule charge. D’autant plus que l’autonomie est variable. Les voitures à moteurs électrique, qu’ils soient alimentés par des batteries ou par une fuel cell, répondent aux mêmes contraintes : plus on roule vite, plus l’autonomie baisse rapidement. Rouler pendant 10 kilomètres à 150 km/h peut coûter 50 kilomètres d’autonomie affichée.
On nous avait annoncé que l’on pouvait compter sur 400 kilomètres pour la Mirai, avec un cycle d’homologation à 500 kilomètres… mais je me suis aperçu qu’une étape prévue sur le parcours, entre Onet-le-Château et Aix-en-Provence, totalisait 420 kilomètres. En plus, ce segment nécessitait une conduite sportive sur les zones de régularité… J’ai fait des calculs toute la nuit, et je n’étais pas rassuré en prenant le départ, mais nous avons réussi à terminer l’étape ! Il nous restait même 90 kilomètres d’autonomie au compteur. Cela s’explique probablement en partie par ma conduite économique. Aujourd’hui, je partirais pour un trajet de 500 kilomètres en Mirai sans me poser de question.
Avez-vous une anecdote en lien avec votre conduite de FCEV que vous aimeriez partager ?
Les voitures à hydrogène ont la particularité de produire de l’eau pendant la conduite. Plus la conduite est sportive, plus la production d’eau est importante. Lors d’un arrêt au cours du e-rallye, j’ai récupéré quelques gouttes provenant du pot d’échappement de la Mirai que je pilotais, et… je l’ai bue, pour essayer (rires). Elle était inodore, incolore et un peu tiède. Je vous avoue qu’il ne m’était jamais passé par la tête de faire la même chose avec un autre pot d’échappement. Boire un verre d’eau à la sortie d’un moteur, je vous le conseille à tous !
Au vu de votre expérience, les FCEV sont-ils selon vous une alternative crédible aux véhicules à essence d’aujourd’hui, dans l’optique d’une transition énergétique ?
La réponse est oui, totalement. Le seul bémol aujourd’hui, c’est le tarif de la pile à combustible. Mais si celle-ci émerge demain comme la technologie d’avenir, il est certain que ce coût va énormément baisser. Je ne peux pas affirmer que nous roulerons tous à l’hydrogène à moyen terme. Mais quelle autre technologie propre nous propose-t-on ? L’autre challenge de ce modèle concerne l’infrastructure. Elle est balbutiante en France avec une station au pont de l’Alma à Paris, une autre à l’aéroport d’Orly, et bientôt une troisième à celui de Roissy. Si ce maillage se développe, si les différentes parties prenantes de la société se mettent d’accord pour faire entrer cette molécule dans les réservoirs de nos voitures, l’hydrogène peut être LA solution pour la mobilité de demain.
Que se passera-t-il en 2030 si les moteurs thermiques n’ont plus droit de cité dans les villes, et que les voitures à batteries connaissent des problèmes insolubles, tant en production, recyclage ou stockage ? L’hydrogène est une solution. C’est la raison pour laquelle de nombreux constructeurs investissent dans la technologie des piles à combustible : Toyota, Hyundai, Honda, Mercedes, Audi, BMW, Ford, General Motors… Ceux qui font l’impasse sur cette technologie prennent le risque d’être en retard demain, comme le sont aujourd’hui ceux qui n’ont pas misé sur les voitures à batteries.
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