L’envie
Lorsque Abarth a révélé en avant première sa 124 lors du Salon de Genève 2016, j’ai eu un électrochoc. Tétanisé que j’étais. J’aime tellement ces caisses pleines de caractère, pleines de coffre, surtout quand on présente la version Compétition avant celle de série. Grand amateur de sport auto et de rallyes, je ne pouvais passer à côté d’elle. Je lorgnais alors sur la version de série, nommé Abarth 124 Spider.
Et puis les années ont passé, les essais aussi, les vacances. Je n’ai pas pu prendre le volant de l’Abarth 124 avant aujourd’hui. Dieu comme j’ai attendu ce moment. Et me voilà au volant de la belle Italienne. Cette fois, pas d’Abarth 124 Spider mais sa version GT, avec son hard-top en carbone, tout droit fabriqué par Adler Group, dont le patron était un pote de Sergio Marchionne, aujourd’hui décédé. Pas mal la bande de copains ! Donc nous disions, cette GT s’en retrouve chic et sport à la fois. Une expression digne d’un mauvais communiqué de presse rédigé pour un modèle vieillissant auquel on donne un coup de jeune. Chic et sport à la fois, sauf qu’ici tout est vrai, c’est une sacrée bagnole qu’on a là. Elle ne vieillit pas, elle n’a pas vieilli, elle sent juste le vintage comme on aime. Enfin comme j’aime surtout.
Descendre à bord
L’Abarth 124 GT, on ne monte pas à bord. On descend à bord. Elle est terriblement basse, et on l’aime comme ça. Cela nous change tellement des voitures actuelles, bien trop typées SUV à mon goût. J’aime l’effort qu’elle demande. On descend dans la 124 GT, comme on descend dans une Alpine A110. Ce petit kiff avant même d’en prendre les commandes. Elle exige qu’on se mette à son niveau, qu’on se plie en deux, en quatre, en six. Elle demande, elle exige. Comme une Lotus aussi. (Tu l’as?)
Une fois à bord, la sportivité est là à plein nez, avec la petite plaquette « Officine Abarth » sur la moquette, le duo cuir & alcantara, les coutures surpiquées rouges, la broderie Abarth, le logo Abarth. Le kif parfait lorsque les trois pédales fonctionnent bien ensemble, quand le levier de boîte tombe en main, quand le frein à main vous fait de l’oeil. L’officine Abarth a bien fait les choses. J’aime tellement quand ça sent bon le sport… En fait, c’est ça que j’aime, le sport auto.
D’extérieur
Certes née sous identité japonaise car issue de la Mazda MX-5, la 124 GT revêt ici un costume trois pièces italiens, draperie de laine Super100 produite au Prato, tailleur turinois. Assemblée à Hiroshima chez Mazda, finie à Turin chez Fiat, elle porte avec classe cette double identité mécanico-cosmétique. Mais à mes yeux, il s’agit bien d’une Italienne, digne héritière de la Fiat 124 Abarth qui a connu tant de succès rallystiques dans les années 70. On se rappellera particulièrement du triplé lors du rallye du Portugal 1974 avec les Raffaele Pinto, Alcide Paganelli et Markku Alen. Historique.
L’Abarth 124 GT a une sacrée gueule. Assez exclusive, elle est livrée avec un hard-top en fibre de carbone, avec le tissage apparent, bien vernis. Certes cet hard-top impose son poids supérieur à l’habituelle capote en toile présente sur l’Abarth 124 classique, à hauteur de 16 kilos, mais les ingénieurs de chez Fiat ont oeuvré pour récupérer l’écart de poids. Ainsi, la 124 GT est livrée avec de nouvelles jantes de 17 pouces, dont chacune est 3 kg plus légère que l’habituelle chausse de la 124 Abarth.
Malgré mes photos publiées en noir et blanc sur cet article, j’ai pour ma part pu tester cette GT dans une belle robe bleue nuit, avec tout de même jupes et rétroviseurs gris anthracite. Avec le hard-top brut carbone vernis (équipé d’un système de dégivrage), ce sont donc bien 3 couleurs qu’on retrouve présentes sur cette belle 124 GT. Pas mal, et tellement rétro… <3 Mais ce choix en impose un autre : la perte du capot et du coffre peint en noir. Ca faisait tellement seventies! A noter que la 124 GT a vu l’arrivée de la teinte spéciale gris clair « Alpi Orientali ».
Sous l’ex-capot noir mat
Sous le capot de cette belle nippo-italienne, on retrouve le quatre-cylindres turbo 1,4L MultiAir, déjà vu sur la Spider. Il n’y a pas d’évolution spécifique à prévoir pour cette GT mais avec 170ch et 250Nm de couple, cela suffit amplement. Question boîte, deux choix : la boîte manuelle à six rapports ou une transmission automatique & séquentielle. La première a été testée ici. Le groupe moteur ainsi délivre la puissance aux roues arrières, bien entendu. Au niveau du châssis, c’est toujours Bilstein (des jaunes, merci Gauthier!) qui équipe notre modèle essayé, comme la Spider, avec cette fois des réglages différents. Cette ensemble moteur/boîte/châssis emmène notre belle à 232km/h en vitesse de pointe, pour un 100km/h abattu en 6,8 secondes. Selon les données du constructeur. Vroum :)
Petits plaisirs, frayeur & daily car.
OH. C’est ce qu’on se dit une fois qu’on a la belle en main. Car j’avouerais que les premiers kilomètres ne sont pas évidents. Une fois encore, cette 124 exige des choses, des compromis, des sacrifices. Elle demande qu’on prenne son temps avec elle. Quand je vous disais qu’elle était une vraie Italienne… On dirait qu’on doit demander à son père l’autorisation de l’emmener boire un verre. Ou alors patienter. J’ai patienté, et j’ai bien fait.
Une fois bien en place, après quelques jours, l’environnement intérieur nous parait familier. Les pédales sont proches, le levier de vitesses tombe bien en main, les touches et autres boutons en tous genres sont faciles. J’émettrais un gros bémol sur l’ordinateur de bord, qui est lui d’un autre âge… Dommage.
Contact. Première. On attaque un peu, ça pousse, ça marche, ça freine, la 124 est stable avec son profil de pure propulsion, moteur avant, capot très long, porte à faux arrière super court. On est assis juste devant ses roues arrières, les pieds à ras du train avant. C’est un caractère pur et dur, se dandinant en appuis, s’appuyant sur son train arrière, avec un train avant plutôt bien accroché. La prudence est de mise tout en jouant la carte du plaisir, et quel plaisir… J’ai pour ma part essayé la boîte manuelle, mais j’aurais volontiers testé la séquentielle. Ceci étant, je reste persuadé que pour une première en 124, la boîte manuelle 6 vitesses était la meilleure, et que la séquentielle sera parfaite dans un second temps, une fois qu’on voudra jouer le chrono. Pour me confier à vous, j’ai toujours été un peu sur la réserve avec cette 124 GT.
Vendredi matin, direction le boulot. Première pluie depuis 15 jours, la route est grasse. Sortie de rond-point, filet de gaz un peu trop appuyé sans doute, ma belle italienne se met à l’angle, sans rien demander. Frayeur! Cela se confirme, l’Abarth 124 demande du doigté, de la prudence. Sur le sec, elle est très plaisante une fois qu’on l’a en main, le son de l’échappement est un petit bonheur aussi. Elle se montre docile, mais pas facile non plus. Caractérielle. Je demanderais même à refaire un essai sur circuit, histoire de voir.
Et en daily car ? Pourquoi pas ! Si la discrétion n’est pas un problème pour vous, si vous balader quotidiennement en voiture de rallye, si un feu tricolore est pour vous le départ d’une spéciale de rallye, si vous n’avez pas de besoin logistique, si un grand coffre ne vous est pas obligatoire, si le dos ne vous fait pas mal, alors oui, cette 124 est faite pour vous. Vous jouerez alors la différenciation, le changement. Ce n’est pas une Porsche Cayman, ce n’est pas une Alpine A110, ce n’est pas une Mazda MX5, ce n’est pas une Audi TT, c’est différent, c’est une Abarth 124 GT. Avec son histoire, son patrimoine nippo-italien, son prestige du hard-top, ses quelques finitions à revoir, son caractère joueur…
Je vous laisse, j’ai quelques bafouilles à écrire. Mais je ne sortirai pas indemne de cet essai.
Belle journée à vous,
Jean-Charles
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