Il était temps de faire passer le précédent billet au second plan… Contrairement à ce que certains ont pu croire, je n’ai jamais eu l’idée d’organiser une séance de bashing d’Auto Plus. Ma surprise de ne pas voir la moindre ligne au sujet de l’affaire Volkswagen dans l’édition du 25 septembre m’a simplement fait comprendre que chaque numéro était bouclé avec une semaine pleine d’avance… ça ne fait que valoriser davantage (à mes yeux) le travail de la rédaction qui doit faire face à de telles contraintes. (Il semble que d’autres trouvent ça très normal, m’enfin.)
Pour parler d’autre chose, j’ai d’abord pensé à m’orienter vers le sport automobile… La F1, mais je ne me sentais pas d’écrire sur Suzuka sans évoquer le souvenir de Jules Bianchi (pas l’énergie aujourd’hui). J’aurais pu m’étaler sur le Rallye de Chypre ou la manche du GT Tour exilée en Espagne que j’ai suivi professionnellement, mais, là encore, ce n’était pas le sujet… Je laisse les sites spécialisés vous montrer des Porsche l’une sur l’autre (ça vaut le coup !). Il y avait aussi le titre de Citroën Racing en WTCC, voire la course de Nascar au New Hampshire… Et puis une autre idée : que s’est-il passé il y a 25 ans ? Et voici la révélation !
Nous sommes alors à quelques jours de l’ouverture du Mondial de l’Automobile 1990. Renault vient de présenter les premières photos de sa « Laguna » !
Depuis plusieurs années, Peugeot avait donné le ton du salon parisien avec plusieurs prototypes qui avaient fini par évoquer l’arrivée de la 905 bientôt engagée au Mans. En 1990, Renault reprend la main.
Il faut dire que Patrick Le Quément était à la tête du style de la marque au Losange depuis 2 ans et demi. Après avoir montré tout son talent chez Ford, le Français était rentré en France pour porter un projet ambitieux : donner une nouvelle personnalité à Renault et aux Renault (encore un débat à ouvrir !).
Dès 1988, il lâchait ses premières idées avec la berline Mégane. En seulement quelques mois, sûrement pas assez, le concept mettait l’accent sur un contenu technologique. Mégane était surtout un premier pas visant à instaurer un programme de réalisation de concept-cars… A chaque Mondial de l’Automobile, Renault allait présenter des prototypes en jouant sur l’alternance de la technique et du style. Mégane était la technique en 1988, Laguna devait être le style en 1990.
Aujourd’hui, Laguna évoque une berline restée des années au catalogue… A l’époque, Laguna puisait d’abord son nom de sa racine lagune. Patrick Le Quément avait qualifié son dessin de « culture, passion et fun » : une apparence de roadster décoiffant.
En 1990, Laguna est révolutionnaire en France… Moins à l’étranger où les Japonais, les Américains et même BMW étaient allés jusqu’à produire des roadsters aussi passionnels. Malheureusement, l’objectif de Renault n’était pas là. Le Quément s’était même bien défendu des attaques extranationales : « Les formes de Laguna sont fluides, mais pas désagréables. Elle est musclée, elle n’est pas molle comme une américaine qui a mangé trop de hamburgers. Laguna, c’est une peau sur un corps. Les Allemands parlent de forme, nous parlons de ligne. »
Mais Laguna n’était pas qu’une ligne. Avec les études avancées, les services recherches et châssis, le concept roulait. Un capot avant minuscule, un poste de conduite très avancé, une plateforme en composite métal / nid d’abeille, une suspension à amortisseurs réglages et le 4 cylindres 2,0 litres turbo de la Renault 21…
Retouché à l’admission et l’échappement, le moteur délivrait 210 chevaux pour un poids total de 900 kg. La boîte courte permettait d’atteindre 100 km/h en 6 secondes de couvrir 400 mètres en 14 secondes, le kilomètre en 25 secondes et de rouler à 250 km/h.
Des chiffres moins impressionnants qu’une Matra M25, qui n’avait impressionné que par ses chiffres…
Mais ce n’était pas pour rouler les mécaniques que la Laguna s’était affichée à Paris. C’était surtout pour son arrière et son avant, son saute-vent miroir digne d’un casque de pompier en remplacement du pare-brise, pour son carénage coulissant, pour son arceau invisible… Et pour d’autres subtilités techniques incongrues en 1990 !
En association avec Philips, Renault avait conçu un nouvel environnement acoustique. Le conducteur et le passager disposaient de visières audio latérales, liées par infra-rouge avec l’émetteur. Et l’affichage était intégré au rétroviseur central ! Ses pneus MXX2 18 pouces réalisés spécialement par Michelin étaient une autre réussite.
Un mois après la présentation des photos, la Renault Laguna trônait sur le stand du Mondial de l’Automobile à Paris. Et Patrick Le Quément devait répondre à une nouvelle question : est-ce la future Alpine. Il en rêvait, il n’a pas pu la faire.
Laguna préfigurait néanmoins le Renault Sport Spider, produit à Dieppe dans l’usine Alpine après l’arrêt de la production de la marque fondée par Jean Rédélé. Et elle a laissé son nom à une berline commercialisée en 1994.
Allez, rendez-vous demain pour une nouvelle polémique !
ConceptLagunaRenault