Ford France lance une nouvelle campagne de communication à contre-courant de ce que j’aime voir chez un constructeur automobile. Je défends l’idée de penser produit, produit et encore produit. Avec « Prendre un virage », la filiale de la marque américaine oublie ses gammes pour se tourner vers un nouveau public.
Produit, produit, produit ! Pour être performant, un constructeur automobile doit être en mesure de penser ses produits avec un temps d’avance sur la concurrence, de réaliser ses produits conformément aux attentes des clients (ni trop tôt, ni trop tard) et d’orchestrer ce savoir-faire par un talentueux faire-savoir.
Ça, c’est le manuel… Mais chaque entité possède une identité propre et des besoins spécifiques. En France, Renault ne communique pas comme Suzuki et Alfa Romeo n’est pas Nissan. Il faut savoir donner une certaine valeur à ses produits en jouant sur ses atouts, que ce soit la qualité, l’image, la différenciation, le prix… La liste est longue pour le département marketing.
En prenant le cas de Ford, il est inutile de travailler sur la notoriété de la marque. Seuls Renault, Peugeot, Citroën et Volkswagen font mieux – en termes de ventes – sur le territoire français au cours des six premiers mois de l’année. Mieux, la gamme est suffisamment étendue pour faire apparaître huit modèles dans le top 100 français : Fiesta (18e), Focus (41e), Kuga (46e), C-Max (52e), B-Max (62e), Ka (77e), Mondeo (95e) et Ecosport (96e).
Il n’y a guère que Renault (12 modèles dans le top 100) et Citroën (9) qui font mieux. Ford fait jeu égal avec Peugeot (8) et devance Volkswagen (7) et Nissan (6).
Alors comment vendre des Ford ?
S’il y avait une recette miracle, tout le monde l’appliquerait… Et des constructeurs vendraient toujours plus que d’autres. C’est la beauté du métier. Ces dernières années, Ford a joué une carte technologique.
Mais un récent sondage révèle que seulement un tiers des automobilistes s’intéresse aux technologies embarquées et la très grande majorité n’utilise que quelques applications de systèmes d’info divertissement parfois trop complets, voire trop complexes.
Travailler l’image par le sport ? Ford est une marque très impliquée en compétition, ça ne se sait peut-être pas suffisamment, mais le retour en LM GTE au Mans devrait être un nouveau point d’appui.
Le prix ? L’idée peut avoir un intérêt pour certains modèles dont le positionnement exige de travailler sur le tarif pratiqué. Mais aligner toute sa gamme sur une politique tarifaire agressive est un jeu très risqué pour une entreprise dans un secteur si concurrentiel. L’exemple de Toyota (on y reviendra peut-être prochainement) qui a cédé le premier rang mondial « pour » gonfler ses marges est une option stratégique forcément gagnante.
Prendre un virage
Pour vendre ses voitures, Ford a choisi de s’adresser directement à une idée enfouie au cœur du peuple français : changer de vie. Sur l’air du tout plaquer pour tout recommencer.
La campagne a mis deux longues années à germer. Hormis l’éviction des produits (voire même de la marque), l’idée (surtout portée par les premières réalisations) est séduisante. Davantage que les précédentes réalisations… Surtout, Ford réalise un investissement colossal pour occuper le terrain. Le recrutement de Carla Bruni va forcément faire beaucoup parler.
Carla « Monique » Bruni
Mettons de côté l’aspect politique. Carla Bruni est un extraordinaire modèle (jeu de mots avec modèle !). Et même si on l’a déjà vu s’afficher avec d’autres constructeurs automobiles (l’occasion de prendre un virage chez Ford), qui représente mieux ce changement de vie ? Des palaces italiens aux palaces français, de cette image de bobo de gauche à Première Dame de droite ?
Ah, j’ai trouvé : Arnold Schwarzenegger ! Ou pour rester dans le Sarkosysme, j’avais Doc Gyneco et David Douilllet.
Ford s’adresse donc aux personnes qui ont déjà eu l’idée de tout plaquer, jusqu’à leur voiture ! Tout changer… Pour tout recommencer et conduire une Ford !?
Jouons avec mes derniers essais… Que prendrais-je comme Ford pour remplacer une Audi A7 Sportback, une Jaguar XE, une FIAT Nuova 500, une Nissan GT-R ou une Hyundai i30 Turbo ?
L’arrivée prochaine de la Ford GT (7 à 8 intentions d’achat réelles seraient déjà prises en compte pour un parc qui devrait être restreint à deux ou trois voitures par an en France) et la commercialisation de la Ford Mustang sont deux beaux exemples d’une certaine forme de renouveau. Dans une gamme très « monospace », Ford compte aussi sur l’arrivée du Edge.
Ces modèles à forte personnalité, pour accompagner les « Max » et les incontournables Fiesta et Focus, ont une empreinte très américaine. Certainement un atout… Sauf lorsque l’on ambitionne d’être « la marque étrangère la plus française en France ». Un pari difficile surtout face à Toyota qui joue autant que possible sur la fibre nationale(iste) avec l’industrie (l’identité) française comme argument de vente numéro 1.
Oui, je reparle de produits… Car je considère que Ford – même avec une telle campagne – n’a que des voitures à vendre. Et ce sont ces voitures qui doivent convaincre les acheteurs.
Alors ? Lorsque vous voyez une Ford, vous voyez une voiture américaine, anglaise, allemande ou française ? Et cette idée de changer de vie rend-elle la marque Ford plus sympathique, plus désirable ?
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