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Talbot, la marque la plus déroutante de l’histoire ?

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Talbot, la marque la plus déroutante de l’histoire ?

Entre aristocratie britannique, Grand Prix français, fusions bancales et résurrections marketing, Talbot est aujourd’hui un fantôme de l’industrie. Mais quel destin !

Quelle autre marque peut se vanter d’avoir été à la fois anglaise et française, bourgeoise et sportive, prestigieuse et populaire, avec autant de rebondissements que d’identités ? Talbot, aujourd’hui propriété de Stellantis, est sans doute l’un des plus fascinants casse-têtes de l’histoire automobile. Une saga transnationale, faite de hauts glorieux, de bas abyssaux, et d’une confusion qui, au fil des décennies, a fini par noyer l’héritage de l’une des plus anciennes marques européennes.

Un nom, deux histoires

Tout commence en 1903. Charles Chetwynd-Talbot, 20e comte de Shrewsbury, crée la société Clément-Talbot à Londres, en association avec l’ingénieur et industriel français Adolphe Clément. Les premières voitures sont assemblées à partir de pièces françaises, mais très vite, Talbot devient un constructeur à part entière. En 1919, Clément-Talbot est intégré au groupe S.T.D. Motors (Sunbeam-Talbot-Darracq), une sorte de Stellantis avant l’heure, rassemblant plusieurs marques sous une bannière commune.

C’est là que le destin de Talbot commence à se fragmenter. En Grande-Bretagne comme en France, le nom est utilisé, parfois en parallèle, parfois avec des significations divergentes. À Paris, sous la houlette d’Antonio Lago à partir de 1935, Talbot-Lago brille en compétition, avec des voitures qui marquent Le Mans, les Grands Prix, et l’histoire du design automobile. En Grande-Bretagne, le nom se dilue dans les gammes Sunbeam et Hillman du groupe Rootes.

Des circuits au déclin

Les Talbot-Lago des années 1930 et 1940 sont parmi les plus belles voitures françaises jamais construites. À l’aube de la Seconde Guerre mondiale, elles incarnent le raffinement et la performance. En 1950, Talbot est même une référence lors de la première saison officielle de Formule 1. Pourtant, le vent tourne. Faute de moyens, Antonio Lago cède sa société à Simca en 1958. Et la marque entre alors dans une longue période d’hibernation.

Pendant ce temps, côté britannique, Rootes continue d’utiliser le nom Sunbeam-Talbot jusqu’en 1954, avant de l’abandonner au profit du seul nom Sunbeam. Talbot devient alors une coquille vide, un nom oublié… jusqu’à son retour fracassant au début des années 1980.

Le grand retour… avant l’oubli

En 1978, Peugeot rachète Chrysler Europe, héritier des actifs de Rootes en Grande-Bretagne et de Simca en France. Le futur PSA récupère donc, un peu par accident, les droits du nom Talbot. Plutôt que de conserver les marques Simca ou Chrysler, Peugeot décide de relancer Talbot comme une nouvelle bannière européenne. Ainsi naît la gamme des Talbot Horizon, Solara, Samba et Tagora, sorte de patchwork industriel entre modèles Chrysler américains et ingénierie Simca.

La tentative dure moins d’une décennie. Les Talbot ne séduisent ni par leur design, ni par leur qualité. À l’exception de la Samba Cabriolet, qui trouve son public, l’ensemble de la gamme peine à s’imposer face à Renault, Volkswagen ou même… Peugeot. Le projet Arizona, destiné à relancer Talbot avec une compacte moderne, est finalement rebadgé Peugeot 309 en 1985. Le couperet tombe : en 1994, PSA abandonne officiellement la marque.

Stellantis, et après ?

Aujourd’hui, Talbot dort dans les cartons de Stellantis, aux côtés d’une myriade d’autres marques historiques. Le nom est juridiquement conservé, probablement pour protéger la propriété intellectuelle, mais aucune réutilisation concrète n’est à l’ordre du jour. Et pour cause : que représenterait aujourd’hui Talbot pour le public ? Une marque britannique ? Française ? Sportive ? Grand public ? Le flou est total.

Et pourtant, le potentiel est là. En pleine redécouverte de marques « patrimoniales » comme Lancia, Alpine ou même Renault 5, l’histoire de Talbot pourrait séduire. Elle incarne un certain panache européen, un pont entre l’élégance d’un coupé Lago et la rationalité d’une Horizon. Une marque à réinventer ? Peut-être. Mais encore faudrait-il savoir laquelle des multiples identités de Talbot ressusciter…

Author: Rédaction

Rédaction AUTOcult.fr