Vingt places… Ce devrait être suffisant pour qu’un brillant Champion de GP2 Series puisse avoir sa chance en Formule 1. Pourtant, le pilote le plus prometteur depuis Lewis Hamilton a passé l’hiver à attendre un baquet qui n’est jamais venu. Heureusement, le destin a frappé et Stoffel Vandoorne s’est retrouvé au départ d’un Grand Prix.
Jeudi matin, Fernando Alonso est invité à passer un scanner au centre médical, dix jours après son terrible accident du 18e tour du Grand Prix d’Australie. Les effroyables images et le précédent de sa sortie de piste lors d’essais à Barcelone au début de l’année 2015 ont-ils pesé dans la balance ? La FIA a rapidement tranché. Deux scans de sa poitrine ont été comparés et il a été décidé qu’il y avait une résorption insuffisante des séquelles pour le laisser concourir dans de bonnes conditions de sécurité.
Quelques heures plus tard, le triple vainqueur du Grand Prix de Bahreïn (entre 2005 et 2010) apparait avec un sourire crispé. L’Espagnol ne cache pas sa déception : « Nous sommes des pilotes et nous aimons la compétition. Faire le voyage jusqu’ici et ne même pas pouvoir être en piste est très frustrant, mais je comprends et je respecte la décision. J’ai passé des journées difficiles depuis que je suis rentré d’Australie. Pourtant, j’étais prêt à prendre sur moi dans la voiture pour participer à la course. Je pense qu’il était possible d’oublier la douleur, voire de la gérer avec l’adrénaline du pilotage. Je crois surtout que l’équipe médicale craint d’autres risques. »
Jusqu’au samedi matin, McLaren a bien essayé d’infléchir la décision. Ron Dennis n’a pas eu gain de cause, tandis que Fernando Alonso restait l’homme le plus en vue dans le camp McLaren-Honda.
Le pilote le plus attendu depuis Lewis Hamilton
Privé de son double Champion du Monde, McLaren devait rapidement choisir un remplaçant pour accompagner Jenson Button. Si Stoffel Vandoorne était tout désigné, son absence montrait qu’Eric Boullier n’avait pas du tout anticipé la décision de la FIA. Pilote de réserve, le Belge avait la priorité sur Olivier Turvey et Nobuharu Matsushita, les autres pilotes « d’essais ».
Mais tout le monde se trouve être très dispersé à la veille des essais libres ! Alors que Fernando Alonso et Jenson Button sont à Bahreïn, Stoffel Vandorne est à Okayama pour une séance d’essais en Super Formula (4e temps le premier jour), Oliver Turvey est à Long Beach (il terminera 12e de la course de Formula E) et Nobuharu Matsushita est à Jerez de la Frontera pour des tests collectifs en GP2 Series…
Premier choix de McLaren, Stoffel Vandoorne est appelé en urgence, moins d’une semaine après son 24e anniversaire. Il saute dans un avion à Nagoya et vole vers Manama, via Dubaï. Atterrissage vers 9h00, passage par l’hôtel et arrivée au circuit peu après 11h00. Il s’habille rapidement et entre dans le garage pour régler son siège dans la McLaren frappée du numéro 47. Le test d’extraction imposé par la FIA est une formalité, comme la photo officielle devant un drap noir.
Stoffel Vandoorne n’y croyait sans doute plus. Préféré à Kevin Magnussen dans l’organigramme de McLaren Honda, le jeune Belge était attendu sur les grilles de départ de cette saison 2016. Mais, ni Fernando Alonso, ni Jenson Button n’ont ressenti l’envie de quitter la F1 (ou ils n’ont pas franchi le pas). Le phénomène a donc dû se contenter d’un rôle de pilote de réserve avec un programme en Super Formula pour conserver l’adrénaline de la compétition.
Si Ferrari, Mercedes ou Red Bull parviennent à placer leurs protégés dans des écuries de second plan, McLaren Honda reste bien esseulé dans le paddock. Et Stoffel Vandoorne apprend à patienter. Car, à 24 ans, le Belge est loin d’être un Junior. Vainqueur de la F4 Eurocup 1.6, puis de l’Eurocup Formula Renault 2.0 dans sa deuxième année (devant Daniil Kvyat), il terminait deuxième de la Formula Renault 3.5 Series derrière Kevin Magnussen avant de remporter le GP2 Series en survolant sa seconde saison. Un parcours sans faute pour accéder à la F1.
Un parcours sans faute et une fidélité enfin récompensée. Helmut Marko avait pris contact avec l’entourage de Vandoorne afin de lui proposer un baquet chez Toro Rosso pour 2014, aux côtés de Jean-Éric Vergne. Ses managers avaient décliné l’offre, convaincus du projet de McLaren à long terme. Et cet hiver, lorsque Frédéric Vasseur a tenté d’embaucher « son » ancien pensionnaire chez ART, Ron Dennis a mis son véto, préférant laisser partir Kevin Magnussen. Si la relation entre le pilote et son écurie n’est pas encore aboutie, elle est déjà très forte.
Le volant pour nouveau meilleur ami
Ce vendredi 1er avril, en entrant dans le paddock, il lâche un grand sourire lorsqu’on lui demande s’il est fatigué. Le « Non » est franc, massif, heureux, motivé. L’apprentissage est accéléré. Dès le premier appel, Stoffel Vandoorne a commencé à réviser : « A l’aéroport, j’étais déjà en relation avec les ingénieurs. Ils m’ont envoyé plein de fichiers pour que je puisse être opérationnel, travailler sur le volant et apprendre ce qu’il fallait pour commencer en Grand Prix. »
Un homme ne le quittait pas… Fernando Alonso a joué un rôle de tuteur. Et, très intelligemment, Stoffel a accepté ce parrainage : « Il m’a donné beaucoup de conseils. Fernando est présent avec les ingénieurs, il partage son avis sur les choix à faire. Son influence m’a vraiment beaucoup apporté ce week-end. »
Avec le numéro 47 sur le museau de son MP4/31, Stoffel Vandoorne prend rapidement ses marques en tentant de trouver les limites sur certains freinages. Le lendemain, en Q2, il se place devant son équipier. Un détail que tout le monde remarque. Hamilton salue la performance : « J’ai regardé l’écran et j’ai vu Button derrière lui. Je me suis dit « Waouhhh », c’est sa première course en F1 et il est devant un Champion du Monde comme Jenson. Chapeau, beau boulot ! »
Loin de se réjouir, le Belge garde les pieds sur terre : « Nous allons pouvoir nous concentrer sur la course. Je suis sûr qu’il y a encore plein de choses à regarder. Depuis que je suis arrivé, j’ai beaucoup travaillé sur mon pilotage et sur moi-même. Mon objectif est de ne pas faire d’erreur. »
Jusqu’au départ, Fernando Alonso restait prêt de son remplaçant. Mais, malgré une présence de tous les instants, l’Espagnol n’a finalement pas réussi à éclipser la compétitivité du nouveau titulaire. Et ce n’est pas Jenson Button, contraint à l’abandon par la mécanique dès le septième tour, qui pourra lui contester son statut de star du week-end.
Pourtant, Eric Boullier est le premier à relativiser la performance de celui qui reste son troisième pilote : « Je dois avouer qu’il m’a un petit peu étonné. Stoffel n’a pas fait la moindre erreur, pas même dans le tripotage de ses boutons au volant. Il était aussi très serein avant le départ, c’était impressionnant. » Mais, poussé à le comparer à ses habituels pilotes, le Directeur de la Compétition de McLaren Honda se braque : « Il a encore un peu de travail. Nos deux Champions du Monde auraient fait mieux, simplement grâce à leur expérience. Ça prouve qu’une nouvelle génération arrive et qu’elle va prendre le relais. C’est tout le mal que je souhaite à Stoffel, d’être le prochain Alonso ou Button ! »
Dixième à l’arrivée, le Belge permettait à McLaren-Honda d’entrer dans les points pour la sixième fois en vingt-et-un Grands Prix… Stoffel Vandoorne a marqué les esprits, confirmé qu’il était la future star, mais ce sont bien les médecins de la FIA qui décideront, via le prochain scanner de Fernando Alonso, de son avenir proche. Car, dès que l’Espagnol aura le feu vert, c’est bien depuis la cabine de la RTBF que le Belge suivra les Grands Prix !
De quoi souffre Alonso ?
Une côte cassée, une simple côte cassée… S’il avait fallu faire la liste des pilotes qui ont pris le départ d’une course de sport mécanique avec une fracture, nous manquerions de pages. Mais la FIA a choisi la sécurité. Fernando Alonso avouait lui même : « Un scanner a révélé que j’avais une côte cassée. La fracture est presque réparée, mais les médecins craignent qu’un autre cash violent puisse provoquer une perforation du poumon. Avec cette blessure, il faut seulement se reposer. Il ne faut rien faire et attendre que tout se recolle. Je croise les doigts pour que tout soit réglé en Chine. Je passerai de nouveaux examens avant le prochain Grand Prix et la FIA évaluera la situation. Pour le moment, il n’est pas certain que je roule à Shanghai. »
Plus que cette côte cassée, Fernando Alonso a surtout souffert d’un pneumothorax diagnostiqué lors de son retour en Espagne. Désormais guéri, l’Espagnol a joué au coach de luxe pour son remplaçant. Si Eric Boullier lui a proposé de rentrer chez lui pour se reposer, Alonso a évidemment rejeté l’idée pour rester au cœur de son équipe, se montrer, diriger. On n’en attendait pas moins de lui !
Le second pilote belge chez McLaren
Arrivé chez Ferrari en 1970 avec l’espoir de conquérir un titre mondial, Jacky Ickx quittait la Scuderia en manque de compétitivité lorsque les Italiens décidaient de ne pas faire le déplacement à Zandvoort, puis au Nürburgring en 1973. Le Belge trouvait alors un baquet chez Yardley Team McLaren pour accompagner Denny Hulme et Peter Revson dans la M23 souvent pilotée par Jody Scheckter. Une seule course, en Allemagne, et un podium avant de rebondir chez Williams.
Les cinq précédents débutants en cours de saison
Kamui Kobayashi – 2009
Depuis Kamui Kobayashi lors du Grand Prix du Japon 2009, aucun pilote n’avait débuté en Grand Prix en cours de saison. Le Japonais, alors âgé de 23 ans, avait remplacé Timo Glock, malade dès les essais libres et victime d’un accident durant les qualifications. En trois courses avec Toyota, il terminait dans les points au Brésil et à Abu Dhabi.
Sébastien Vettel – 2007
À 19 ans, Sebastian Vettel profitait de l’indisponibilité de Robert Kubica pour faire ses débuts en F1 lors du Grand Prix des États-Unis. Au volant d’une BMW Sauber, l’Allemand décrochait la huitième place et devenait le plus jeune pilote à marquer un point en F1. Record battu par Max Verstappen l’an passé.
Robert Kubica – 2006
Prétextant un accident lors du Grand Prix d’Allemagne, Jacques Villeneuve était remplacé par Robert Kubica à partir du Grand Prix de Hongrie. Sous la pluie, le Polonais plaçait sa BMW Sauber au septième rang, mais était disqualifié, poids non conforme.
Franck Montagny – 2006
Quelques jours avant le Grand Prix d’Europe, la Fédération Internationale de l’Automobile demandait à Super Aguri de trouver un remplaçant à Yuji Ide. L’équipe japonaise faisait alors appel à Franck Montagny, qui participait à sept Grands Prix.
Sakon Yamamoto – 2006
Sous la pression des partenaires de l’écurie Super Aguri, Franck Montagny devait laisser son baquet à Sakon Yamamoto pour la fin de la saison 2006. En sept courses, le Japonais n’a jamais fait d’ombre à son équipier Takuma Sato.
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