En apprenant la signature de Romain Grosjean chez Haas pour la prochaine saison de F1, Patrick Tambay lâchait un commentaire aussi simple qu’évocateur : « Je suis un peu inquiet sur la structure mise en place par l’équipe de Monsieur Haas. J’espère qu’il y aura un équilibre en termes de compétences techniques des deux côtés de l’Atlantique. »
Inquiet Patrick Tambay ? Lui qui était passé chez Haas dans les années 1980 après son passage chez Renault (tiens, tiens !) peut en raconter de belles sur son aventure américaine. Un potentiel énorme qui n’a jamais été exploité.
Gene Haas, qui vient de fonder Haas F1 Team, n’a aucun lien avec Carl Haas du Team Haas USA des années 1980. Pour parodier Charles Denner avec la confusion dans la clarté, Gene Haas, c’est Stewart-Haas, tandis que Carl Haas, c’est Newman-Haas. Vous l’avez ?
En 1985, Carl Haas réussit à monter une équipe comme dans un rêve. Il signe un énorme contrat de sponsoring avec un groupe agroalimentaire, il parvient à un accord d’exclusivité avec Ford pour bénéficier du Cosworth turbo et il embauche des pointures : Teddy Mayer (Directeur de McLaren lors des titres d’Emerson Fittipaldi et James Hunt), Neil Oatley et Ross Brawn pour la technique et Adrian Newey pour le design. Oui, des pointures !
Reste à choisir un pilote… Pour entamer la saison 1985 avec une seule monoplace, personne n’est vraiment disponible. Alors Carl Haas fait sortir le Champion du Monde Alan Jones de sa retraite.
Sur le papier, c’est toujours un rêve. Sauf que tout le monde est en retard. Cosworth ne parvient pas à développer un 4 cylindres en ligne et demande une année supplémentaire pour concevoir un V6. Le châssis FORCE n’est pas non plus prêt. Et quand il parvient enfin à rouler (sous le nom de Lola car Haas était importateur Lola aux Etats-Unis), avec un moteur Hart, nous sommes en septembre : Alan Jones se qualifie en 25e position et abandonne au bout de six tours. Entre abandons et forfaits, Jones ne verra jamais l’arrivée d’un Grand Prix avant la fin de la saison.
En 1986, avec un budget conséquent, Carl Haas décide d’engager une seconde monoplace pour Patrick Tambay. Mais Ford est encore en retard. La saison débute avec l’ancienne voiture avant qu’Alan Jones ne récupère – enfin – un moteur Ford pour Imola. Et la deuxième Lola THL2 arrive pour Tambay à Monaco.
De sa nouvelle voiture, le Français en fera un plan pour le best of de l’histoire de la F1 !
Et là, de semaine en semaine, l’équipe progresse. Les monoplaces voient enfin le drapeau à damier et les premiers points sont marqués en Autriche. A Monza, la voiture réputée en manque de puissance termine sixième avec Alan Jones.
Brawn et Neway trouvent leurs marques et les voitures FORCE oublient les fonds de grille pour devenir des candidates pour les points. Et tout tombe en quelques jours. Le sponsor principal change d’investisseur. Le contrat est résilié. Ford quitte le projet pour rejoindre Benetton. A la veille du dernier GP de 1986, Haas comprend que son aventure en F1 se termine.
Il gagnera tout en ChampCar (avec Sébastien Bourdais notamment). Teddy Mayer sera le bras droit de Roger Penske pour décrocher des titres en IndyCar. Neil Oatley concevra la McLaren MP4/4 qui a gagné 15 des 16 courses de la saison 1988, Ross Brawn fera gagner Benetton et Ferrari et Adrian Newey dessinera les Williams, McLaren et Red Bull championnes du monde. Même Ford finira pas faire des podiums avec son V6 !
Pour les pilotes, le châssis était une merveille. Le moteur manquait néanmoins cruellement de puissance, à une époque bénie pour les chevaux… Mais, pour beaucoup, c’est le manque d’attention aux détails qui a coûté le plus cher à l’équipe américaine. Et, en utilisant deux usines séparées par un océan, à Charlotte aux Etats-Unis et Banbury au Royaume-Uni, le nouveau Haas F1 Team, devra – encore plus que les autres – faire attention aux détails. Même avec le surnom de Scuderia Ferrari bis.
F1HaasPatrick TambayRomain Grosjean