Le culte automobile ne se transmet pas uniquement par un volant et des pédales. Ce sont aussi des images, des sons, des odeurs, des textures… Et des coups marketing. Pour terminer l’année, voici l’un de mes coups de cœur de 2012. Une publicité de deux minutes à faire décrocher une larme. Quand l’automobile n’est pas seulement un moyen de locomotion, que c’est un moteur de l’économie globale, un équilibre – aussi bien macro-économique que micro-économie dans notre monde capitaliste…
Contexte économique
En 2008, au cœur d’une crise bancaire profonde, la consommation américaine plonge. Le groupe Chrysler – racheté par un fonds d’investissement en 2007 après le retrait de Daimler – voit ses livraisons baisser de 30 % en un an.
Avant même la publication des résultats, l’Etat américain (administration Bush) décide d’octroyer un prêt de 4 milliards de dollars à Chrysler pour « poursuivre ses réformes structurelles ». Dans la culture américaine, cette décision provoque un énorme séisme. L’Etat providence sauve Chrysler et General Motors alors qu’aucun groupe privé n’était pas à prendre ce risque.
La situation économique ne s’arrange pas. En 2009, les ventes chutent encore de 36 % aux Etats-Unis alors que Chrysler est repris à 20 % par le Groupe Fiat. Des milliers d’emplois sont supprimés et le groupe passe en « Chapter 11 » (procédure de sauvegarde) qui lui permet de continuer ses activités en étant sous la protection de la faillite. Fiat prend des options pour monter au capital alors que le gouvernement américain hérite de 8 % et le gouvernement canadien prend 2 %.
En 2011, après deux années de nouvelle croissance, Fiat profite de multiples options de rachat d’actions pour monter à 58,5 % du capital.
Pour continuer à parler chiffres, Chrysler était valorisé à 36 milliards de dollars en 1998 lors de sa fusion avec Daimler. En 2007, le groupe de Detroit valait moins de 7 milliards de dollars. Aujourd’hui, la valorisation fait débat (10 milliards ?). Fiat veut qu’elle soit la plus faible possible pour pouvoir racheter les parts de son coactionnaire VEBA à un prix favorable. L’affaire se réglera certainement au tribunal. Au final, le sauvetage de Chrysler aura coûté 1,3 milliard de dollars aux contribuables américains.
Car, désormais, Fiat a besoin de Chrysler. Si le groupe italien a sauvé Chrysler, il en est maintenant dépendant pour faire des bénéfices. A l’image de l’alliance réalisée entre Renault et Nissan.
Contexte marketing
Le Super Bowl est devenu le moment incontournable de l’année pour la diffusion de campagnes publicitaires à la télévision. L’évènement est le plus regardé sur le petit écran américain avec un record à plus de 140 millions de téléspectateurs.
Les annonceurs se bousculent pour montrer leur création dont la diffusion est facturée près de 3 millions de dollars pour trente secondes.
En 2011, Chrysler choisit de s’offrir ce passage tant convoité avec le lancement de la campagne « Imported from Detroit » menée par Eminem.
Un an plus tard, Chrysler récidive avec Clint Eastwood. Cette fois, le spot est beaucoup moins orienté produit. Au contraire, il est interprété comme un message politique. Malgré son attachement au parti républicain, Clint Eastwood lit un texte aux accents de lancement de campagne pour la réélection du démocrate Barack Obama.
Chrysler s’en défend même si l’on peut entendre un encouragement pour un second mandat…
« Je veux rappeler que j’ai remboursé les prêts de l’état avec 19,7 % d’intérêt. Je crois que je n’avais pas besoin d’y ajouter une publicité en plus » lança Sergio Marchionne.
Attaqué sur le coût d’un tel spot, le même Marchionne avait affirmé que le coût global de cette campagne avait été inférieur à 9 millions de dollars.
Le texte lu par Clint Eastwood, en version originale :
« It’s halftime. Both teams are in their locker room discussing what they can do to win this game in the second half. It’s halftime in America, too. People are out of work and they’re hurting and they’re all wondering what they’re going to do to make a comeback and we’re all scared because this isn’t a game. The people of Detroit know a little something about this. »