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L’épopée de l’écurie Shadow : une ambition démesurée et des échecs glorieux

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L’épopée de l’écurie Shadow : une ambition démesurée et des échecs glorieux

Dans l’histoire des sports mécaniques, certaines équipes sont connues pour leurs succès légendaires, tandis que d’autres sont plus célèbres pour leurs échecs spectaculaires. Shadow fait indéniablement partie de la seconde catégorie. Fondée par l’énigmatique Don Nichols, cette écurie américaine, active durant une douzaine d’années, a marqué les esprits par son audace technique et ses innovations radicales, bien qu’elle n’ait jamais vraiment atteint les sommets espérés.

L’ascension fulgurante de Don Nichols

L’homme derrière Shadow, Don Nichols, avait un parcours de vie aussi fascinant que mystérieux. Ancien membre de la 101e division aéroportée de l’armée américaine, Nichols avait participé à des missions de parachutage avant le débarquement en Normandie en 1944. Après avoir combattu en Corée, il avait poursuivi une carrière dans le contre-espionnage en Asie, accumulant des connexions et une fortune considérable. Ce passé militaire et sa connaissance du Japon lui ont permis de s’enrichir en important des pièces automobiles et des pneus de course Firestone.

De retour aux États-Unis en 1968, Nichols a fondé une société ambitieusement nommée Advanced Vehicle Systems (AVS) dans le but de conquérir le monde du sport automobile. Dès le départ, Nichols se démarque par son goût pour l’innovation et le risque, deux caractéristiques qui allaient devenir les marques de fabrique de l’équipe Shadow.

Trevor Harris et la conception du Shadow Mk 1

L’idée initiale derrière l’écurie Shadow prend forme grâce à Trevor Harris, un jeune ingénieur américain passionné par la compétition automobile. Harris, alors propriétaire d’un petit atelier à Costa Mesa en Californie, avait imaginé une voiture de course Can-Am radicalement différente, basée sur un concept de minimisation de la surface frontale et de la traînée aérodynamique.

Son projet initial consistait à créer une voiture extrêmement basse, alimentée par un moteur flat-six turbo de Corvair, afin de réduire autant que possible les dimensions de la voiture. L’idée était ambitieuse, mais Harris manquait cruellement de moyens financiers. C’est là que Nichols intervient, fasciné par cette approche novatrice et prêt à investir dans un concept aussi radical que lui-même.

Le nom de « Shadow » fut rapidement adopté pour la voiture. Pour Harris, le terme faisait allusion à la vitesse de l’ombre, tandis que Nichols aimait l’idée d’un véhicule quasiment en deux dimensions, avec peu de hauteur mais beaucoup de longueur et de largeur.

Les défis techniques du prototype

Le développement de la Shadow Mk 1, commencée en 1969, fut rapide et souvent improvisé. Avec peu de temps et de ressources, Harris et son équipe se sont heurtés à des compromis techniques majeurs. L’un des défis les plus marquants était l’absence d’espace sous la carrosserie, ce qui imposait l’utilisation d’amortisseurs à friction désuets au lieu de systèmes hydrauliques modernes.

Autre aspect radical du projet : la position de conduite, quasi horizontale. Harris cherchait à réduire l’exposition du pilote au flux d’air, ce qui obligeait à placer le volant presque entre les jambes du conducteur, avec des pédales montées latéralement pour gagner en espace. L’aérodynamique était également un défi majeur, Harris ayant imaginé des freins à air escamotables pour compenser les freins à disques miniatures des petites roues avant de 10 pouces.

Cependant, le budget limité de Shadow a rapidement freiné les ambitions de Harris. Le moteur choisi, un V8 Chevrolet L88 en fonte, était non seulement plus lourd mais produisait aussi 100 chevaux de moins que les blocs en aluminium ZL1 utilisés par les écuries concurrentes. Cette faiblesse moteur, couplée à une répartition du poids désastreuse (avec 75 % de la masse concentrée sur les roues arrière), condamnait la Shadow à des performances médiocres.

L’entrée en scène en Can-Am 1970

L’année 1970 marque les débuts tant attendus de la Shadow Mk 1 en compétition. Cependant, les résultats furent loin des attentes. Dès sa première course à Mosport, au Canada, la voiture affichait une vitesse de pointe impressionnante, atteignant 312 km/h, soit 29 km/h de plus que la McLaren en pole position. Mais cette avance en ligne droite fut annihilée par les piètres performances en virage, dues à des amortisseurs inefficaces et une tenue de route imprévisible.

La course suivante, à St-Jovite au Québec, fut encore plus décevante avec un abandon précoce après seulement 13 tours en raison d’une surchauffe. Pour couronner le tout, la seule Shadow Mk 1 existante fut endommagée en quittant le circuit lorsque la remorque qui la transportait fut percutée par une voiture volée conduite par un chauffard ivre.

La fin d’une aventure et l’héritage de Shadow

Le rêve de Harris et Nichols semblait s’éteindre avec les échecs successifs de la Shadow Mk 1. Le départ précipité de Harris après la saison 1970, non payé et désillusionné, mit fin à la première ère de l’équipe. Cependant, Shadow ne s’arrêta pas là. Nichols poursuivit l’aventure en Can-Am et en Formule 1 avec des voitures moins radicales, mais l’esprit d’innovation, né avec la Mk 1, resta une source d’inspiration.

Au fil des années, l’équipe Shadow a acquis un statut presque mythique dans l’histoire des sports mécaniques, non seulement pour ses performances, mais surtout pour son audace technique et l’énigme que représentait Nichols lui-même. Aujourd’hui, des collectionneurs comme Jim Bartel, un passionné de longue date, ont redonné vie à plusieurs des prototypes Shadow, offrant ainsi un second souffle à cette épopée fascinante.

 

Author: Rédaction

Rédaction AUTOcult.fr