Dimanche, à peine remis de mon tête-à-tête avec Novak Djokovic, j’apprends que Lapo Elkann est sur le plateau d’une émission de Canal +. Le petit-fils de l’Avvocato est en campagne pour le lancement de son Garage Italia Customs, mais aussi pour le bien de l’Italie.
Les médias se régalent face à ce symbole d’un empire à la dérive. Lapo Elkann, c’est une icône d’une Italie qui a contrôlé le monde il y a deux millénaires, une élégance, la classe, l’extravagance, jusqu’à l’exubérance. Le numéro de décembre de Top Gear publie d’ailleurs une intéressante interview sur le sujet.
Descendance Agnelli
S’il porte le nom d’Elkann et s’il se targue d’être juif dans ses paroles autant que par ses tatouages, Lapo Elkann est d’abord un Agnelli. L’arrière-arrière-petit-fils du premier Giovanni, le fondateur, et le petit-fils du second Giovanni, l’Avvocato, a très vite montré les signes avant-coureurs des dérives légendaires de quelques membres de la famille.
Certains ont pu mettre ça sur le compte d’une enfance difficile. Né à New York, il passe ses premières années entre Londres, Rio de Janeiro et Paris, subissant le divorce de ses parents. A 10 ans, il est mis en pension à Paris pour, déjà, le recadrer. Si l’expérience a réussi pour son frère aîné John, elle lance Lapo droit dans le mur.
Pour éviter un nouveau drame familial – les morts foudroyantes et les suicides ont déjà trop secoué les Agnelli – le deuxième des huit enfants de Margherita est envoyé dans l’usine Piaggio de Pontedera. Sous le nom de Lapo Rossi, il apprend le métier et la condition d’ouvrier à seulement 17 ans. La suite redonne confiance : service militaire chez les chasseurs alpins, stages dans une banque d’investissements à Londres, puis chez Danone, il est envoyé à Modène pour travailler sur les projets digitaux de Ferrari aux côtés de Luca di Montezemolo.
Mais rien ne va. S’il prouve une énorme capacité de travail et que son nom lui ouvre toutes les portes, le jeune playboy aligne les frasques. Drogues, alcool, filles… Il est envoyé aux Etats-Unis pour devenir l’assistant personnel d’Henry Kissinger, l’ancien Secrétaire d’Etat, Prix Nobel de la Paix.
Grandeur et décadence
Un an plus tard, il revient à Turin et prend la responsabilité du marketing d’un Groupe FIAT très mal en point. On lui doit l’idée qui sauve l’entreprise, voire le pays : relancer la 500 ! Il coordonne son développement, avec une base de Panda et un assemblage en Pologne. Mais alors qu’il est en train d’écrire l’histoire, il touche le fond en octobre 2005.
En une nuit, le playboy de 28 ans effondre son mythe. Il est retrouvé inanimé, victime d’une overdose de cocaïne et d’héroïne dans l’appartement d’un travesti de 53 ans. Il quitte alors FIAT et l’Italie pour repartir de zéro.
Deux ans plus tard, il fonde Italia Independent, une marque de vêtements de luxe dépourvus de logo et entame une longue collaboration avec Gucci. Vanity Fair en fait l’homme le plus élégant du monde. Lapo Elkann se relance.
Loin de la drogue, il tisse ses réseaux dans la mode et ne manque jamais une occasion d’associer son prénom au groupe familial. Après avoir purgé une peine qu’il s’était lui-même infligée, il rentre en Italie et multiplie les apparitions.
Il parle ouvertement de son passé, de son expérience et de son destin. Le playboy devient dandy et trendsetter.
Pour cette fin d’année, au milieu de ses multiples activités et de ses nombreuses marques, il présente Garage Italia Customs, un énième préparateur dont il rêvait.
Autant l’avouer tout de suite, Garage Italia Customs n’a aucun intérêt en tant que tel. Ses réalisations pourraient être sorties de n’importe quel atelier. Sauf un détail : c’est du Lapo Elkann.
Garage Italia Customs avant autre chose ?
Qui est capable de reprendre une station-service désaffectée de Milan pour en faire un lien à la mode ou est exposée la Ferrari 458 camouflages militaires du patron ? Soixante-dix voitures ont déjà subi des transformations. Et lors de l’inauguration, la 458 disputait la vedette à une BMW i8, une Alfa Romeo 4C et une Abarth 595 plus sobres.
« Durant ma carrière, j’ai toujours rêvé de créer quelque chose comme Garage Italia Customs », raconte Lapo Elkann. « Nous nous occupons de voitures, de bateaux et d’avions pour offrir la quintessence du style italien. »
Voilà l’unique ambition de petit-fils. Comme l’Avvocato qui voulait donner du travail et des voitures à toute l’Italie, Lapo veut redorer le blason d’un pays au potentiel extraordinaire, mais en déroute. Garage Italia Customs n’est sans doute qu’un test !
« Lorsque j’étais consultant du programme de personnalisation de Ferrari et Maserati, nous étions dans le 1.0, peut-être le 2.0. Je savais que l’on pouvait proposer davantage. Là, je propose le 3.0 ou le 4.0. Nous travaillons avec les meilleurs ouvriers d’Italie et les plus belles industries comme Pirelli, Brembo, Sabelt, Lear, Alcantara… C’est une idée moderne de la carrozzeria. L’Italie a perdu de sa superbe et des sociétés allemandes, américaines et anglaises ont pris le marché. La personnalisation automobile représente 94 milliards d’euros dans le monde. Pensez maintenant aux avions, aux hélicoptères et aux bateaux. »
« Un style est en train d’émerger. Ça peut être du Pimp my Ride, Fast and Furious, mais ça va aussi jusqu’au café racers britanniques ou aux fantastiques réalisations de Singer et Icon aux Etats-Unis. Je veux y apporter une touche italienne ! »
En revoyant son passage sur le plateau du Supplément ce dimanche, une phrase m’intrigue et même m’excite. Questionné sur un éventuel retour chez FIAT, il répond :
S’il y a l’opportunité de pouvoir s’occuper d’une marque ou d’inventer une nouvelle marque, on ne sait jamais. Moi je suis toujours partant, je suis un entrepreneur et s’il y a des idées intéressantes, je suis prêt !
Tiens, le 3 mars 2015, j’avais une idée folle : lui confier le destin de Lancia !
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